Voici venue l’heure d’un billet d’humeur. Je suis freelance depuis pas mal d’années maintenant et je commence à avoir une certaine “expérience” du statut de travailleur indépendant dans le digital. Celles et ceux qui me suivent depuis un certain temps savent que je suis inscrit sur des plateformes freelances et que j’en fais même la promotion assez régulièrement. Il y a énormément d’arguments favorables aux plateformes et celui que j’aime par dessus tout depuis le début c’est que les plateformes jouent le rôle de tiers de confiance.
Mais la question que je me pose aujourd’hui est la suivante : les plateformes sont-elles des “tiers de confiance” de confiance ?
Qu’est-ce qu’une plateforme freelance après tout ?
Posons nous déjà la question : qu’est-ce qu’une plateforme freelance ? Les plateformes mettent en relation des travailleurs indépendants avec des entreprises à la recherche de ressources humaines ponctuelles (généralement).
Les différentes types de plateformes
Il y a plusieurs types de plateformes :
- des plateformes de “micro-services”, les freelances proposent des packs de services avec des options. On peut citer 5euros.com, Fiverr et dans une moindre mesure Kang.
- des plateformes en mode appels d’offres : les entreprises proposent des missions et les freelances y postulent. On peut citer Malt, Codeur.com, Crème de la Crème.
- il existe aussi des plateformes qui poussent le matching un peu plus loin, elles sont proactives, lorsqu’elles reçoivent des offres de missions elles travaillent pour trouver les bons freelances. On peut citer FreelanceRepublik pour tout ce qui touche à l’informatique, OFF-WORKS pour tout ce qui touche à la communication et au marketing.
Je ne vais pas lister toutes les plateformes, ici n’est pas le but. Mais ce qu’elles ont en commun, c’est qu’elles sont globalement jeunes. La plupart de ces entreprises n’a que quelques années d’existence. Elles sont apparues lorsque le freelance s’est développé. Le freelancing a toujours existé : on pouvait à l’époque plutôt parler de “consultant”, qui étaient majoritairement des experts de leur métier et se vendaient à prix d’or. Le marché était très petit.
Pourquoi sont-elles arrivées ?
- l’essor du digital, des métiers qu’on peut faire de n’importe où avec un ordinateur : rédacteur, développeur, graphiste, monteur vidéo, community manager, etc.
- un besoin de liberté des nouvelles générations : marre d’avoir un patron, envie de travailler depuis l’étranger, choix de la rémunération, choix des entreprises pour quelles on veut travailler, etc.
A côté de ça, on ne va pas se mentir il y a aussi un avantage financier.
Pour les entreprises, que ce soit des embauches en CDD ou en CDI, c’est très engageant et très coûteux en termes de charges.
Pour les freelances, c’est souvent une meilleure rémunération puisqu’il y a moins de charges (surtout en micro-entreprise). C’est donc du gagnant-gagnant.
Pour les entreprises c’était assez difficile de recruter les freelances : où pouvaient-elles les trouver ? Pour les freelances, c’était compliqué de trouver des clients. La plupart des freelances n’aiment pas démarcher.
C’est pour cette raison qu’autant de plateformes se sont créées : elles sont l’endroit où se retrouvent l’offre et la demande. Ce sont les sociétés d’interim d’aujourd’hui. Elles mettent en relation et prennent une commission au passage. Cette commission varie mais cela tourne généralement entre 10% et 15% de chaque facture. Bien sûr, elles apportent tout un tas de services et sur le papier, l’avantage dont je parle souvent : le rôle de tiers de confiance.
Qu’est-ce que le rôle de “tiers de confiance” pour une plateforme ?
Quand on est salarié en France, le rapport de force avec les employeurs peut parfois sembler déséquilibré mais il y a quand même le code du travail qui nous protège énormément. Quand on est travailleur indépendant, le rapport de force est très déséquilibrer. Il y a peu d’entreprises malhonnêtes, mais elles le savent, elles peuvent en jouer.
Les plateformes freelances permettent donc, sur le papier, d’équilibrer les relations. C’est ça leu rôle de “tiers de confiance”. Il peut y avoir plein de problèmes durant une collaboration, la plateforme joue le rôle d’arbitre. Normalement, cela garantie une certaine équité dans les relations et empêche l’un des deux acteurs de tromper l’autre.
Surtout, ce que je trouvais vraiment top, c’est la partie financière. On peut demander un acompte ou non, rien ne garantie vraiment qu’on sera payé au final. Même si la plupart des entreprises sont honnêtes, certaines n’hésitent pas à payer les freelances en dernier, voire à abuser de leur travail en ne les payant jamais. C’est difficile pour un freelance de déposer une plainte, surtout s’il oublie par exemple d’avoir un devis signé.
Dans la plupart des cas, en début de mission, les plateformes facturent les clients, gardent l’argent jusqu’à la fin de la mission puis payent les freelances une fois la mission validée par le client. S’il y a un désaccord en cours de route, la plateforme analyse la situation et tranche : si le freelance a bien fait donc travail, il sera payé.
C’est la théorie, parce que dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. Ce que je veux faire dans cet article, c’est expliquer aux freelances qui se lancent et me lisent de ne pas partir du principe que tout est beau avec les plateformes et que tout se passe toujours comme sur des roulettes. Avec les années, j’ai eu quelques problèmes avec certaines plateformes ou des proches en ont eu. Je veux donc les présenter ici pour que vous puissiez être préparé à vivre ce type de situation.
Expérience n°1 : une plateforme freelance qui ne pense clairement qu’aux clients
Là c’est un expérience personnelle qui date de la période janvier à mars 2021, ce n’est pas donc très vieux et je n’étais plus le bébé freelance de 2015. Je ne veux pas citer le nom de la plateforme mais ce n’est pas une plateforme majeur, je n’en ai jamais parlé sur mon blog. C’est une plateforme spécialisée dans les startups.
Je m’étais inscrit sur cette plateforme longtemps avant mais je n’avais jamais reçu de proposition de mission concrète. Un jour, ils viennent me voir pour une mission puis une deuxième très rapidement ensuite. Les 2 missions se sont presque faites en simultané.
La première mission consistait à développer les leads d’une startup informatique. La promesse de la startup était belle, on a donc fait du SEO et un peu de prospection LinkedIn. Malheureusement, ça n’a pas donné grand chose il faut l’avouer. Je ne cherche pas d’excuse, mais on m’avait vendu la startup comme innovante mais au final ses services étaient des services basiques d’ESN (intégration d’un ERP open source, BI, CRM), il était donc difficile de vendre leurs services à des directeurs informatiques sur sollicités. Par contre, là où j’ai fauté c’est dans ma communication. Je n’ai pas souvent connu l’échec avec mes clients mais j’ai fait comprendre au client que je n’étais sûrement pas la bonne personne, qu’il fallait un regard neuf sur la situation s’il voulait développer sa boite.
La seconde mission était différente, c’était pour une boite vraiment innovante qui, via la des expériences immersives (casque VR + analyse des data) proposait d’améliorer les soft-skills des salariés de leurs clients et de développer le bien-être au travail et donc la productivité. Franchement, leur pitch était pas mal. Leur site actuel n’était pas terrible niveau SEO, il ne leur apportait aucun lead et voulaient donc une refonte complète pour avoir un site qui génère enfin du trafic et des leads. Je développe encore ponctuellement des sites sous WordPress et le SEO c’est ma passion, j’accepte donc la mission en leur disant bien que je ne suis pas webdesigner, je ferai un site centré sur le SEO, qu’ils ne pourraient pas me demander tout et n’importe quoi. Leur réponse était clair : le design est secondaire, on veut des leads.
Je “développe” donc le site, le design est franchement pas dégueulasse et surtout le SEO est parfaitement optimisé. On fait plusieurs aller / retours évidement, c’est normal. Je présente alors le site lors d’une réunion Google Meet, il y a 5 ou 6 personnes de l’entreprise à cette réunion. On fait le tour du site ils me font quelques remarques mais tous s’accordent à dire que le site est beau. Je suis le premier étonné et même si c’est subjectif, le site était classe.
Après cette réunion on fait quelques aller/retours par email pour modifier quelques textes puis le site est prêt à être mis en ligne. Silence radio pendant 2 semaines. Puis la douche froide : un email de la plateforme freelance (pas le client) avec pour objet “*nom plateforme* : annulation prestation *nom client*”. La plateforme me dit que le client n’est pas content, que la première mission s’est mal passée et donc que la mission est annulée et que je ne dois plus contacter le client. Ils ont dû, sans me prévenir, envoyer un autre freelance recommencer la mission à 0.
OK, déjà c’est quand même bizarre qu’on te dise “wha c’est trop bien” en réunion puis qu’ensuite ce soit “son boulot est vraiment naze” avec la plateforme. Mais surtout, j’ai bossé plusieurs jours pour le client et à aucun moment on ne me dit que je vais être payé. Comme si finalement, c’était du satisfait ou remboursé, que le freelance était un esclave dont on pouvait se servir et payer si ça nous plait. Or, comme un salarié, un freelance donne son temps contre de l’argent. Tu n’es pas content de lui : tu peux mettre fin à la relation. C’est déjà un sacré avantage pour une entreprise. Un salarié, c’est difficile à licencier.
J’ai dû batailler comme un acharné pour avoir le paiement de 50% de la facture. J’ai avoué mes tords pour la première mission qui n’avait pas été une réussite, mais on ne décide JAMAIS de la rémunération ou non d’un freelance, on en parle au moins avec lui. Le pire dans l’histoire c’est que depuis le nouveau site est en ligne, le site n’est pas forcément plus beau (ça reste subjectif), le site n’est pas du tout optimisé SEO et ne rank sur aucun mot clé (à part le nom de la boite, quelle prouesse…). Donc au final les plus à plaindre c’est quand même l’entreprise cliente qui a dû payer 50% de ma facture, 100% de la facture d’un autre freelance + la commission de la plateforme pour au final ne pas remplir son objectif de générer plus de leads.
Certaines plateformes peuvent être + du côté des freelances, + du côté des entreprises ou essayer d’être dans l’équilibre. Cette plateforme est clairement du côté des entreprises. Derrière les promesses marketing, ce sont simplement des commerciaux qui placent des freelances dans des entreprises. Les freelances sont de la main d’oeuvre qu’on peut jeter et les clients sont ceux qui les payent, il n’y a qu’eux qui comptent. Vous pouvez bosser avec cette plateforme et peut être que tout se passera bien mais en cas de problème, d’après mon expérience vous n’aurez personne pour vous défendre.
Cette plateforme est-elle un “tiers de confiance” de confiance ? NON.
Je ne donnerai pas le nom en public car mon expérience reste mon expérience, mais en privé je peux vous le donner.
Expérience n°2 : une plateforme de micro-service internationale (bon OK c’est Fiverr)
Je me suis inscrit il y a peu sur cette plateforme pour essayer de dupliquer ce que je fais sur 5euros.com à l’échelle internationale. Honnêtement, globalement ça se passe bien. La visibilité sur cette plateforme est gigantesque même si la concurrence est également énorme. Je fais ma place petit à petit.
Par contre, il y a un point sur lequel cette Fiverr abuse juste énormément : ce sont les litiges. En fait, Fiverr adopte la stratégie d’Amazon : le client n’est pas content ? On le rembourse. Si un client demande à annuler une commande, il doit se justifier. Fiverr lit sa justification et décide ou non de le rembourser. Quand intervient le vendeur dans tout ça ? Jamais. Aucun moyen pour un vendeur de se justifier.
C’est sûr que ça fait gagner du temps au niveau du support 🙂
J’ai eu peu de litiges sur Fiverr. En tout j’ai 4 commande annulées : 3 où j’ai accepté mais au final ça pénalise TELLEMENT notre note qu’annuler des commandes c’est se tirer une balle dans le pied. J’ai mis 6 mois à ravoir des commandes suite à ces annulations. Pour une commande, il y a eu un “litige”, ce n’est pas vraiment un litige car je suis partis me couché, le client a envoyer son message à Fiverr et en me levant la commande avait été annulée et le client remboursé. Le pire c’est que le client était vraiment en tord.
Je ne suis pas le seul, mon ami Charles-Edward avec qui j’anime le Podcast La voix du freelance a vécu la même chose : il vend des backlinks sur Fiverr, il indique dans sa description que les domaines ne sont pas en .fr. Le client a demandé à annuler car … les domaines n’étaient pas en .fr. Vous vous dîtes “ah bah il va perdre”. Oui mais non car en tant que vendeur on ne peut pas vraiment se défendre. Il a donc proactivement contacté le support qui lui a dit qu’ils ne pouvaient pas forcer un client a valider une commande s’il n’était pas satisfait.
Ok sauf que nous, freelances, on n’est pas Jeff Bezos, on ne peut pas rembourser les clients quand on a respecté nos engagements. C’est juste pas normal. Le litige n’est pas encore clos, il a proposé gracieusement un service au client qui acceptera peut être mais … c’est juste dingue de devoir se mettre à genoux pour :
- être rémunéré pour le travail conformément effectué
- ne pas être pénalisé dans l’algorithme de la plateforme
Est-ce que Fiverr est un “tiers de confiance” de confiance ? Malheureusement je ne pense pas. Je pense malgré tout que c’est une super plateforme, il faut juste espérer ne pas tomber sur des clients malhonnêtes.
Conclusion
Ici je vous raconte quelques mésaventures. 99% du temps tout se passe très bien. Par exemple je tiens à souligner la qualité du support de la plateforme 5euros.com : en cas de litige le vendeur peut se défendre et j’ai gagné énormément de litiges face à des clients parfois malhonnêtes ou qui n’avaient pas lu la description du service (ça reste de leur faute, je ne suis toujours pas Jeff Bezos).
Il faut quand même avoir conscience de tout ça. J’aurais aimé être prévenu que ce type de situations pouvaient arrivées afin de m’y préparer. Ce rôle de tiers de confiance des plateformes n’est pas toujours respecté en vérité. Ce n’est pas normal mais c’est la vie.
Je pense que certaines plateformes ne se rendent pas compte de la pression qu’un freelance subit. Pourtant, derrière chaque plateforme il y a des chefs d’entreprises qui vivent à peu près la même pression. Mais il faut croire que le business est plus important.
Je crois que pour certaines plateformes, les clients sont ce qu’il y a de plus important. Les freelances qui ne sont pas content peuvent partir : d’autres viendront les remplacer.
Le meilleur moyen de se protéger de tout ça et de la pression psychologique que cela peut amener est de ne pas être dépendant des plateformes.
Je mettrais à jour cet article si d’autres mésaventures m’arrivent et j’en relayerais peut être également d’autres freelances dans l’article. N’hésitez pas à me partager vos mésaventures en commentaires 🙂